Au XIX ème siècle la ville de Thiers était réputée pour sa coutellerie. Les bourgeois qui avaient fait fortune habitaient sur la colline dans la ville haute, les ouvriers étaient en bas dans la ville surnommée noire à cause de la fumée de ses ateliers. George Sand y situe une belle histoire d'amour.

Lui, c'est Etienne surnommé Sept Epées à cause de son nom de compagnon. C'est un ouvrier remarquable dont on se dispute la compétence et que l'on paie bien. Il est orphelin et a été recueilli par un oncle qui lui a appris le métier ; il a de l'ambition et veut essayer grâce à ses économies d'améliorer sa condition sociale

Elle , c'est Tonine, orpheline elle aussi qui a été malmenée par le sort : sa soeur aînée a cru faire un beau mariage mais son époux l'a abandonnée et elle en est morte de chagrin. C'est dire que Tonine, malgré son beau minois, ne prête pas l'oreille aux jolies coeurs qui gravitent autour d'elle. Avec Sept Epées cela aurait dû être différent, mais l'affaire s'est mal engagée : lui ne sentait pas prêt, il avait peur de ne pas être assez solide et assez riche pour fonder un foyer et qui avait besoin d'un amour exclusif sentait son hésitation : " Il y a amitié et amitié ! il y a celle qui fait qu'on ne peut pas vivre l'un sans l'autre et qu'on se marie ensemble ; celle là vous ne l'avez pas pour moi et il est heureux que je ne l'aie pas pour vous ; mais il y a une autre amitié plus tranquille et qui n'enchaîne pas tant ; c'est celle qui fait qu'on s'intéresse aux peines d'un autre et qu'on voudrait l'en tirer "

Sept Epées voulant conquérir sa belle multiplie les maladresses : il achète un atelier en ruines avec lequel il croit faire fortune mais ses compétences techniques n'arrivent pas à compenser son inexpérience commerciale. Il n'ose pas avouer sa faillite à Tonine si bonne pourtant avec tous les malheureux :

"Il remarquait alors qu'elle avait du soin et de la bonté pour tous ceux qu'elle voyait souffrir autour d'elle, que c'était son plaisir d'obliger et, qu'adroite à consoler, elle s'en faisait un devoir. "

Ils ont l'un et l'autre l'occasion de faire séparément un beau mariage mais ne peuvent s'y résoudre. Sept Epées va par désespoir partir sur les routes pour perfectionner son métier :

"Cela est triste à dire, mais on oublie plus souvent la femme qui vous a donné du bonheur que celle qui vous en a refusé... Il rencontrait en Allemagne des beautés plus épanouies, des cheveux d'or, des yeux de turquoise, des joues de rose, un limpide regard d'innocence, un banal sourire de bonté. C'était comme l'invitation au repos de l'âme, au parti pris de l'habitude, au néant de l'impossible sécurité... Il revoyait alors la princesse de la ville noire avec sa pâleur pensive, son regard mystérieux, sa gaieté sans bruit, son dévouement sans affectation, sa sensibilité sans niaiserie, son esprit pénétrant que rien ne pouvait tromper et sa bonté forte qui pardonnait tout "

George Sand a voulu donner à cette histoire édifiante une fin heureuse ; Tonine va hériter de son ancien beau frère plein de remords la plus belle fabrique de couteaux de la Ville Noire qui permettra à Sept Epées de mettre en pratique son savoir si durement acquis

La ville noire

Partager cet article